Loi du 5 mars 2014 : quels changements pour les organismes de formation ?

12 Janvier 2015

Jean-Joseph Kuperholc - Consultant sur les questions de l’emploi et de la formation, membre du réseau média.T

Jean-Joseph Kuperholc La loi du 5 mars 2014, qui crée notamment le compte personnel de formation, pourrait avoir des conséquences sur la structuration du marché de la formation. Jean-Joseph Kuperholc imagine les changements qui pourraient s'opérer.

« La manière dont le compte personnel de formation (CPF) va être concrètement activé par les salariés reste un mystère. »
Le remplacement du Dif par le compte personnel de formation (CPF) va-t-il modifier l’offre de formation ?
En la matière, il y a la théorie et la pratique. En théorie, des changements devraient s’opérer. Avec le CPF, les salariés devraient pouvoir davantage exprimer leurs besoins et faire part de leurs attentes en matière d'objectifs et de modalités de formation. Cela devrait entraîner les organismes de formation à développer leur offre de parcours et à recourir un peu plus au numérique. Dans les faits, l’offre risque d’être encore plus structurante. Nous sortons de décennies de pratiques où c’est essentiellement l’offreur qui fait l’offre de formation. La réforme pourrait amplifier ce phénomène et renforcer l’effet "catalogue".
Plus largement, la réforme aura-t-elle des conséquences sur le marché de la formation ?
La manière dont le CPF va être concrètement activé par les salariés reste un mystère. Il est difficile à ce jour de dire ce qui va se passer au niveau de la confrontation directe du futur apprenant avec l’offre et les organismes de formation. Cela pourrait avoir une incidence sur le marché de la formation et déboucher sur une concurrence accrue entre les organismes. La rencontre entre "clients" apprenants et offre de formation va à priori se dérouler sur la toile. Si le phénomène s'amplifie, de nouveaux acteurs pourraient alors apparaître sur le marché de la formation, en tant qu’intermédiaires, comme on peut déjà l'observer dans le secteur des services.
Les listes de formations éligibles ou le conseil en évolution professionnelle (CEP) ne vont-ils pas aider à se repérer dans l’offre de formation ?
En théorie, oui, mais on peut supposer que les premières listes de formations éligibles seront progressivement élargies. Quant au CEP, il aidera les salariés dans la construction de leur parcours mais pas forcément dans la confrontation directe à l’offre, c’est-à-dire dans le choix opérationnel de la formation, de son format, de ses modalités de mise en œuvre et donc de l'organisme. Des acteurs vont devoir remplir cette mission de conseil et de médiation, si l'on souhaite que le CPF soit plus activé que le DIF. Les organisations syndicales pourraient jouer ce rôle "d'accompagnement" comme cela se pratique dans certains pays européens. Les Opca vont offrir ce service, mais les conseillers ont, en général, plus l'habitude d'intervenir auprès de l'entreprise qu'auprès d'individus.
La garantie de la qualité de la formation est un des enjeux de la réforme. Quels changements peut-on espérer ?
Indépendamment de la loi du 5 mars, il y a une forte demande sociale de qualité en formation. On peut imaginer plusieurs phénomènes : le renforcement des démarches qualité "classiques", l'accentuation de la labellisation, le développement d'une approche consumériste de la formation. On observe que des stagiaires portent plainte contre des organismes de formation pour non atteinte des objectifs ou parce que des modalités de formation proposées n'ont pas été respectées. Ce phénomène pourrait s’amplifier et contribuer indirectement à des évolutions en matière de qualité.

Propos recueillis par Raphaëlle Pienne (décembre 2014)

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