Khelil Belheine - Chef de projet chargé de l'intégration des réfugiés à l'Ofii
Khelil Belheine évoque différents projets lancés par l'Ofii dans les territoires franciliens concernant les formations au français et l'insertion des réfugiés.
« Champ nouveau avec ses spécificités et sa « technicité », l'intégration des réfugiés va se structurer. »
- Pouvez-vous présenter votre fonction ?
- Je suis chef de projet à la direction générale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (Ofii) sur une mission spécifique, « l’intégration des réfugiés », créée en 2017 autour de 4 axes : l’intégration professionnelle (l’hypothèse étant que le socle de l’intégration relève du travail) ; le sourcing ou comment mettre en concordance les besoins des personnes et ceux de l’économie ; la mobilisation des collectivités locales ; l’animation du réseau des centres provisoires d'hébergement.
- Vous mettez l'accent sur l'expérimentation avant généralisation. Comment travaillez-vous sur un territoire ?
- En terme de méthode, il s’agit de mettre en œuvre une conception des politiques publiques, bottom /up, partant des volontés des acteurs. La question de l’échelle est importante, il s’agit de créer des projets à un niveau micro sur de petites cohortes, à partir de besoins en emplois identifiés, avec des acteurs ancrés territorialement, dans une optique de mise en cohérence et de complémentarité.
L’ingénierie de projet consiste à repérer les offres des acteurs mobilisables, de les « projeter » dans une mise en œuvre commune au service du parcours d’intégration des personnes : mises en lien, « facilitation » pour créer la synergie partenariale avec l’utilisation des dispositifs existants. Les briques nécessaires sont désormais identifiées : d’abord s’inscrire dans une visée d’autonomie socio-économique et sécuriser à long terme le revenu par l’articulation de réponse en terme d’emploi et de logement.
Les dispositifs nécessitent hébergement et formation, sans négliger la question linguistique et l’acceptabilité sociale de son déploiement en lien avec l’identification des emplois. Ces projets sont uniques par les acteurs qui les déploient à leur échelle et sur leurs territoires.
- Vous avez lancé plusieurs projets concernant les formations de français et l'accès à l'emploi des réfugiés. Pouvez-vous les illustrer ?
- Le dernier projet, Emploi et Toit, est porté par Agroform et financé par le département du Val-d’Oise. Il a consisté en premier lieu à identifier des personnes, grâce à un sourcing réalisé par la direction territoriale de l’Ofii 95 (100 personnes reçues). Une cohorte de 10 personnes a été constituée à l'issue d'une évaluation fine, dans le cadre d'un processus mis au point dans le cadre d’un projet Go Emploi, financé par l’Ofii, dont l’objet est de conduire des évaluations professionnelles (avec conception d’outil spécifique) dans les centres d’hébergement. Formées en Ile-de-France au métier de conducteur de ligne dans l’agroalimentaire pour exercer dans la région « Grand Ouest » où le taux de chômage et la tension sur le logement sont faibles, ces personnes ont signé les contrats de travail le 1er décembre 2018.
- Un autre projet est MigraAID, porté par le Fafih, Opca de l’hôtellerie-restauration, dans lequel des commis de cuisine vont être formés. Une action avec Lacoste va également être lancée. A chaque fois, les emplois sont identifiés en amont.
- En conclusion, vous insistez sur le besoin de professionnalisation des acteurs. Quel appui attendez-vous du réseau des Carif-Oref ?
- Le champ de l’intégration est un champ nouveau avec ses spécificités et sa « technicité », et il va se structurer. Dès lors, il est important d’apporter des connaissances sur les publics, sur le contexte historique, social et juridique ainsi que sur « les méthodologies de construction de parcours d’intégration » pour les réfugiés. L’une des priorités, compte tenu des nouvelles typologies des publics, porte sur la formation linguistique. Le réseau des Carif-Oref, à cet égard, dispose d’éléments nombreux par sa connaissance actualisée du champ de la formation linguistique et les outils qu’il a pu développer, dont sa cartographie. Cela le place comme un acteur qui peut contribuer à la structuration du champ et à la mise en lien des nouveaux intervenants dans les territoires.
Propos recueillis par Christine Barret-Labre (novembre 2018)
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