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Les actions de formation en situation de travail (Afest) suscitent l’intérêt des employeurs et des spécialistes de la pédagogie. Mais elles bousculent les habitudes.
La reconnaissance de l’action de formation en situation de travail (Afest) dans la loi « avenir professionnel » ouvre de nouvelles perspectives de développement des compétences au sein des entreprises. « Quand le travail est organisé à des fins pédagogiques, il peut produire de bons résultats notamment auprès de bénéficiaires qui ont du mal à se projeter dans une salle de formation », souligne Stéphane Rémy, adjoint au sous-directeur des politiques de formation et du contrôle, à la Délégation générale à l’emploi et la formation professionnelle (DGEFP).
Faire pour apprendre
Mais la construction de parcours fondés en partie ou en totalité sur l’Afest ne s’improvise pas, selon les intervenants de la rencontre organisée par Epale et l’agence Erasmus + France, lundi 6 mai [ 1 ]. Avec l’Afest, « il ne s’agit pas d’apprendre à faire mais de faire pour apprendre », souligne Patrick Mayen, professeur des universités en sciences de l’éducation. Or toutes les organisations ne sont pas propices à l’atteinte de cet objectif. Ce qui justifie de procéder en amont à une analyse du travail (une des conditions de mise en œuvre de l’Afest prévue par décret) et, si besoin, d’adapter l’organisation et l’environnement de travail afin qu’ils s’inscrivent dans une logique d’apprentissage.
Lors de cette étape, les employeurs peuvent avoir intérêt à se faire accompagner pour bénéficier d’un regard extérieur, selon Stéphane Rémy. Sur le terrain, l’Afest bouscule l’organisation des entreprises, mais peut aussi devenir « un moteur d’innovation », selon Laure Coudret-Laut, directrice de l’agence Erasmus + France.
Ingénierie de formation complexe
De leur côté, les prestataires amenés à accompagner les employeurs dans leur démarche doivent repenser leurs pratiques. La mise en œuvre d’Afest repose sur « une ingénierie de formation complexe et à part entière » qui nécessite de « connaître très bien les processus d’apprentissage », détaille Patrick Mayen. Mais cette complexité peut, selon lui, devenir un atout dans la mesure où elle redonne de l’intérêt aux métiers de la formation.
Que ce soit en amont lors de phase d’analyse ou en cours d’apprentissage, la formation en situation de travail nécessite des temps de rupture dans l’organisation habituelle du travail. La prise de recul est particulièrement importante dans les phases réflexives. « Distinctes des mises en situation de travail » comme le précise le décret sur les modalités de l’Afest, elles doivent permettre à l’apprenant de faire le point avec un tiers, et d’utiliser les enseignements de la pratique à des fins pédagogiques. « L’enjeu c’est que la personne acquière une lucidité sur ses méthodes d’apprentissage et qu’elle puisse les transférer ailleurs », précise Alain Meignant, expert indépendant en ressources humaines et en apprentissage organisationnel. Le risque pour les prestataires est de faire de cette séquence un moment d’évaluation. Or c’est justement ce qu’il faut éviter, selon Patrick Mayen. Tout l’enjeu sera de créer des conditions propices à la réflexion et à l’analyse.
Estelle Durand (Centre inffo pour Défi métiers)